4 février 2024
Au cours de cette semaine écoulée, il nous tenait à cœur de citer trois exemples pour rappeler combien la dignité sera toujours l’œuvre centrale de la Justice, dans l’ordinaire comme dans l’extraordinaire.
La dignité dans l’extraordinaire tout d’abord, à l’échelle de l’Histoire, pour des milliers d’indiens engagés qui ont été transportés, entre 1845 et 1936 sur l’île de la Réunion depuis la côte malabar de l’Inde pour remplacer les esclaves qui venaient d’être affranchis et dont la main d’œuvre manquait aux propriétaires planteurs.
Le 31 janvier dernier, leur peine et leurs droits des engagés furent portés, à titre posthume, par la voix de leurs descendants devant la Cour d’appel de SAINT DENIS, exhortée de faire œuvre de mémoire pour que la dignité de ces esclaves « sous contrat » soient rétablis en leur reconnaissant la qualité de victimes. Il s'agissait des suites d'une plainte déposée pour la reconnaissance de l'engagisme comme Crime contre l'humanité. Des êtres qui furent aussi anonymes et transparents que les minorités invisibles de notre époque qui ne se voient accordées une place dans notre espace qu’en raison de l’utilité que nous leur reconnaissons, oubliant que la dignité réclame l’égalité.
Le délibéré est attendu…. Mais quelque soit le sens de l’arrêt à venir, les engagés seront parvenus à quitter quelques minutes les livres d’histoire pour s’asseoir sur le banc des parties civiles de la Cour d’appel.
La dignité dans l’ordinaire ensuite, à l’échelle de la petite histoire, celle des acteurs de l’économie du quotidien : deux dirigeants de société qui luttent chacun pour la survie de leur entreprise sont venus demander la protection du Tribunal de commerce. Comme pour beaucoup de dirigeants de TPE, leur engagement pour leur entreprise les a rendu vulnérables et fragiles. Dans de tels moments, il est fréquent de les voir traités comme les maillons faibles de l’économie qu’il serait urgent de neutraliser.
Depuis longtemps, ils ont perdu le goût de l’aventure de l’entreprenariat devant l’accumulation des difficultés et la menace de leur propre faillite. L’un a pu reprendre un peu d’espoir grâce à une décision positive rendue sur le siège, l’autre devra encore attendre quelques jours pour savoir si la Justice lui accorde son secours.
La dignité dans l’ordinaire toujours, mais à l’échelle d’un drame du quotidien, pour un ouvrier non déclaré, décédé après une chute de plus de 5 mètres sur un chantier de travaux en raison de l’absence de garde corps sur la trémie d’un escalier ; la famille attendait que l’homicide involontaire soit reconnu. Le jugement rendu par le Tribunal correctionnel, en fixant des peines allant jusqu’à 3 ans d’emprisonnement avec sursis pour ses employeurs, a posé une lumière sur l’existence de ce travailleur dissimulé, qui fut victime de son invisibilité, et qui n’aurait jamais dû être contraint de mettre sa vie en danger contre une paie misérable et pour quelques couches de peinture à apposer au plafond d’une maison à rénover.
Il en est de la dignité comme de l’égalité : un droit qui bénéficie à tous et que chacun a le devoir de protéger, pour soi-même ainsi que pour les autres… et la Justice plus que quiconque.
Et nous serions incomplet si nous ne lisions pas dans la portion de notre serment qui nous engage à exercer notre profession avec dignité, l’injonction reçue d’être également les garants de la dignité des justiciables devant la Justice.
Yann PREVOST
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