Il y a un peu plus d'un an, contrarié sans doute par un incident d'audience qui avait agit comme un rappel que la Justice peut parfois renoncer à ses devoirs, nous avions écrit ce texte, afin de dire ce que nous attendions de la rencontre entre le Justiciable et le Juge.
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Plaider, c’est avant tout introduire la diversité dans l’esprit du juge qui doit trancher, donner corps aux pensées variées qui doivent être visitées avant de parvenir à la réponse finale qui vaudra vérité pour tous, relier pour lui les points d’un schéma donné en exemple et lui laisser ressentir si une cohérence suffisante en ressort pour constituer la juste synthèse.
Juger revient alors à accorder une ouverture bienveillante à la multiplicité des points de vue, à la diversité des horizons de pensées, à la pluralité des idéaux. Quand il s’agit de punir, « juger » c’est aussi savoir comprendre le processus qui peut mener parfois à la faute commise par un sujet dominé par une faiblesse qui peut tous nous habiter, et ne poser son jugement que sur la réponse collective à lui donner, et jamais sur la valeur et la dignité de celui/celle qui lui est présenté.e. C’est voir tous les justiciables en frères et sœurs, et continuer à les voir ainsi même une fois chargés du fardeau de la peine (et non pas de l’infamie) qui les accompagnera jusqu’à ce que leur amendement personnel ait permis de les en délester.
Et puisque la Justice ne doit pas être le triomphe d’une norme mono-pensée, il est primordial que les avocat.e.s soient assuré.e.s d’être entendu(e)s dès lors qu’ils sont l’unique garantie que la diversité, et donc la démocratie, puisse opérer également dans les Palais de justice.
Chaque fois que la parole nous est coupée, chaque fois que nos pièces ou nos écritures ne sont pas lues avec la pleine attention, chaque fois que l’écoute de nos observations orales est feinte, chaque fois qu’il est requis sans une complète connaissance du dossier, chaque fois que l’ironie est utilisée pour donner une apparence de consistance aux débats (en matière pénale) au mépris de la dignité du prévenu, ce n’est pas uniquement une injure portée à notre fonction ou une indifférence contre le sort des justiciables à laquelle nous assistons, c’est véritablement une mise en échec de la démocratie. La Justice ne peut se satisfaire d’approximations au risque, sinon, de laisser le peuple sans protection efficiente contre les abus de pouvoir.
Si Plaider n’est pas séduire, Juger n’est pas détruire. Si la plaidoirie ne doit pas puiser sa source dans le narcissisme de l’avocat.e, le jugement ne doit pas trouver son autorité dans la brutalité du coup porté. Et si porter la robe noire ne sert pas à parader, revêtir le bandeau aveuglant de la justice ne sert pas à cacher une indifférence à l’égard des justiciables ni de ceux qui les représentent.
Yann PREVOST
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